Dans les coulisses de la Pixar Brain Trust.

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Note : ce dossier n’est qu’une traduction d’un article du site FastCompany. Il n’a en rien été modifié mis à part les illustrations.

Dans cet extrait exclusif tiré de Creativity, Inc., Ed Catmull nous dévoile un de ses outils clé de gestion : la Pixar Brain Trust, qui a aidé la puissante machine à succès à marquer 14 buts d’affilée au box-office.

Pixar Disney Creativity Inc Ed Catmull

Ce qui caractérise une culture créative positive est que ses individus se sentent libres de partager leurs idées, avis et critiques. Notre prise de décisions est meilleure lorsque nous mobilisons les connaissances collectives et des avis bruts au sein du groupe. La sincérité est la clé d’une collaboration efficace. Un manque de sincérité conduit à des environnements dysfonctionnels. Comment un gestionnaire peut-il s’assurer que son groupe de travail, son service ou son entreprise adopte la sincérité ? En mettant en place des mécanismes déclarant explicitement que c’est une chose précieuse. L’un des mécanismes fondamentaux de Pixar est sa Brain Trust, sur laquelle nous comptons pour nous faire avancer vers l’excellence et extraire toute médiocrité. C’est notre système de délivrance principal pour tout franc-parler. La Brain Trust se réunit tous les deux ou trois mois environ pour évaluer chaque film que nous produisons. Son principe est simple : mettez des gens intelligents et passionnés dans une même pièce, chargez-les d’identifier et résoudre des problèmes, et incitez-les à faire preuve de sincérité. La Brain Trust n’est pas infaillible, mais lorsque nous aboutissons, les résultats sont phénoménaux.

Si j’assiste et participe à quasiment toutes les réunions de la Brain Trust, je vois mon rôle principal comme étant de m’assurer que le contrat sur lequel les réunions sont fondées est protégé et maintenu. Cette partie de notre travail n’est jamais terminée car éliminer l’intégralité des obstacles au profit de la sincérité est chose impossible. La peur de dire quelque chose d’idiot et d’avoir l’air bête, de blesser quelqu’un ou d’être intimidé, de riposter ou qu’on riposte contre vous : ces obstacles trouvent toujours le moyen de reprendre leurs droits. Et lorsque c’est le cas, il convient de les aborder pleinement.

La Brain Trust s’est construite naturellement à partir de la relation professionnelle unique qu’entretenaient les cinq hommes à la tête de la production et du montage de Toy Story: John Lasseter, Andrew Stanton, Pete Docter, Lee Unkrich et Joe Ranft. Dès les balbutiements des studios Pixar, ce quintette nous a offert un exemple solide de ce qu’était un groupe de travail pleinement fonctionnel. Ils étaient drôles, concentrés, intelligents, et implacablement sincères lorsqu’ils se disputaient. Plus important encore, ils ne se laissaient jamais contrarier par les différentes catégories de problèmes structurels ou personnels qui peuvent rendre la communication significative dans un groupe impossible. Après la sortie de Toy Story 2 [lorsque la Brain Trust a aidé à remettre sur pied un film qui risquait le naufrage], la Brain Trust a évolué d’un groupe proche, bien défini, œuvrant sur un seul film, à un groupe plus large et fluide. Au fil du temps, ses rangs se sont étoffés, pour inclure un nombre varié d’individus, des réalisateurs, des scénaristes et superviseurs de scénario, dont la seule exigence est qu’ils fassent preuve de talent lorsqu’il s’agit de raconter une histoire. La seule chose qui n’ait jamais changé est cette exigence de sincérité.

Pixar Disney Brain Trust Pixar

La sincérité ne saurait être plus primordiale dans notre processus de création. Pourquoi donc ? Parce qu’à leurs débuts, tous nos films sont nuls. C’est un jugement direct, j’en suis conscient, mais je choisis cette formulation parce que l’affirmer d’une façon plus indulgente ne permet pas d’exprimer le degré de médiocrité des premières versions. Je n’essaie pas d’être humble ou modeste. Les films Pixar sont mauvais à leurs débuts, et notre travail est de faire qu’ils le soient – pour passer, comme je dis, « de nul à pas nul ».

Imaginez à quel point ce serait facile pour un film mettant en scène des jouets qui parlent d’être peu original, neuneu ou  ouvertement tourné vers les produits dérivés. Imaginez à quel point un film sur des rats faisant à manger serait rebutant, ou à quel point cela a dû paraître risqué de commencer WALL-E par 39 minutes de film muet. Nous osons tenter ces histoires, mais nous ne réussissons pas du premier coup. C’est ainsi que les choses doivent être. La créativité doit bien commencer quelque part, et nous croyons fermement dans le pouvoir du rassemblement de forces, des remarques sincères et du processus d’itération : remanier, remanier, remanier encore et toujours, jusqu’à ce qu’une histoire présentant des défauts trouve sa ligne directrice ou qu’un personnage creux trouve son âme.

Une vérité première: les individus prenant en charge des projets créatifs complexes finissent par s’égarer.

Pour comprendre les raisons pour lesquelles la Brain Trust est un élément si central aux studios Pixar, il faut commencer par une vérité première : les individus prenant en charge des projets créatifs complexes finissent par s’égarer à un moment ou un autre du processus. C’est dans la nature des choses : afin de créer, il faut intérioriser, et ne presque faire qu’un avec le projet pendant un moment, et cette quasi-fusion avec le projet est une étape vitale pour qu’il naisse. Mais elle est aussi déroutante. Là où le ou la scénariste/réalisateur(rice) d’un film avait autrefois du recul, il ou elle le perd. Là où il ou elle voyait autrefois une forêt, il n’y a désormais plus que des arbres.

Pixar Disney brain trust

Comment fait-on pour qu’un(e) réalisateur(rice) s’attaque à un problème qu’il ou elle n’arrive pas à percevoir ? La réponse varie évidemment en fonction de la situation. Le réalisateur a peut-être raison sur l’impact potentiel qu’aura son idée principale, mais peut-être ne l’a-t-il pas suffisamment bien organisée aux yeux de la Brain Trust. Peut-être ne se rend t-il pas compte qu’une bonne partie de ce qu’il pense être visible à l’écran n’est visible que dans sa propre tête. Ou peut-être que les idées présentées dans les bandes qu’il fait visionner à la Brain Trust ne marcheront jamais, et le seul moyen d’avancer est d’élargir sur un élément ou repartir à zéro. Peu importe ce dont il s’agit, le processus pour gagner en clarté exige de la patience et de la sincérité.

Chez Pixar, nous essayons de créer un environnement où les individus sont désireux d’entendre les remarques de chacun (même lorsque ces remarques sont difficiles à entendre), et où tout le monde a intérêt à se voir mutuellement réussir. Nous offrons à nos réalisateurs à la fois liberté et responsabilité. Par exemple, nous croyons que les histoires les plus prometteuses ne sont pas attribuées à des réalisateurs mais naissent de l’intérieur. À de rares exceptions près, nos réalisateurs produisent des films qu’ils ont imaginés et brûlent d’envie de faire. Ensuite, comme nous savons que cette passion les aveuglera à un moment où à un autre face aux problèmes inéluctables qui se présenteront pour leur film, nous leur proposons les conseils de la Brain Trust.

Vous vous dites peut-être: en quoi la Brain Trust diffère t’elle d’un autre mécanisme de feedback ?

D’après moi, il existe deux différences clés. La première est que la Brain Trust est composée d’individus pourvus d’une compréhension profonde de l’art de la narration, qui ont eux-mêmes généralement enduré le processus. Si les réalisateurs accueillent les critiques émanant de nombreuses sources, ils attachent une valeur particulière aux impressions de leurs camarades conteurs d’histoire. La deuxième différence est que la Brain Trust n’a aucun pouvoir. Un réalisateur n’est pas contraint de suivre la moindre des suggestions précises qui ont été émises. Après une réunion de la Brain Trust, c’est à lui ou à elle de voir comment s’atteler à ces impressions recueillies. Ne conférer aucun pouvoir à la Brain Trust pour qu’elle ordonne des solutions influe sur la dynamique du groupe d’une manière que j’estime indispensable.

Tandis que les problèmes se présentant dans un film sont assez faciles à identifier, les origines de ces problèmes sont souvent incroyablement difficiles à évaluer. Un rebondissement qui laisse perplexe, ou un revirement peu crédible de notre personnage principal est souvent causé par des problèmes subtils et sous-jacents qui trouvent leur origine ailleurs dans l’histoire. Imaginez un patient se plaignant d’une douleur au genou qui découle d’un affaissement de la voûte plantaire. Si vous l’opériez du genou, non seulement vous ne réussiriez pas à calmer pas la douleur, mais elle pourrait facilement s’aggraver. Pour calmer la douleur, il faut identifier et traiter le fond du problème. Le but des remarques de la Brain Trust est dès lors de faire remonter à la surface les véritables causes de ces problèmes, pas d’exiger l’application d’un remède particulier. Nous ne voulons pas que la Brain Trust résolve le problème d’un réalisateur parce que nous croyons, selon toute vraisemblance, que notre solution ne sera pas aussi bonne que celle trouvée par le réalisateur ou la réalisatrice et son équipe créative.

Pixar Disney Equipe Team

Cela ne veut pas dire que cela ne devient pas parfois pénible. Bien sûr que chaque réalisateur préférerait qu’on lui dise que son film est un chef d’œuvre. Mais à cause de la manière dont la Brain Trust s’organise, la douleur de se voir informé que des défauts sont apparents ou que des révisions sont nécessaires est minimisée. C’est le film, pas le réalisateur, qui est examiné au microscope. Ce principe échappe à la plupart des individus, mais il est primordial : vous n’êtes pas la personnification de votre idée, et si vous vous identifiez de trop près à vos idées, vous serez vexé lorsqu’elles seront remises en question. Andrew Stanton, qui a été tantôt donneur tantôt receveur de conseils à quasiment toutes les réunions de la Brain Trust, aime dire que si Pixar était un hôpital et les films ses patients, alors la Brain Trust se compose de médecins en qui on peut avoir confiance. Il est important de se rappeler que le réalisateur et le producteur du film sont aussi des “médecins”. C’est comme s’ils avaient réuni un panel de spécialistes afin d’aider à établir un diagnostic précis pour un cas extrêmement déconcertant. Mais en fin de compte, ce sont les réalisateurs, et personne d’autre, qui prendront les décisions finales quant au traitement le plus judicieux.

Pour comprendre plus clairement la façon dont la sincérité se livre chez Pixar, je veux vous emmener dans les coulisses d’une réunion de la Brain Trust. Celle-ci résultait d’une pré-projection d’un film de Peter Docter, alors connu sous le nom The Untitled Pixar Movie That Takes You Inside the Mind.  [Il s’intitule désormais Inside Out, et sa sortie est prévue pour 2015.] En comparant avec d’autres sessions de la Brain Trust, cette réunion-ci était bondée, avec près de 20 personnes à table et 15 autres sur des sièges adossés aux murs. Chacun a pris à manger en arrivant, et après avoir papoté, est passé aux choses sérieuses.

Plus tôt, avant la projection, Pete avait décrit ce qu’ils avaient imaginé jusqu’alors. “Que trouve t-on au fond d’un cerveau ?” demanda t-il à ses collègues. “Vos émotions. Et nous avons travaillé vraiment très dur pour que ces personnages ressemblent à la façon dont on perçoit ces émotions. On a notre personnage principal, une émotion qui s’appelle Joy et qui est pleine d’entrain. Elle rayonne littéralement lorsqu’elle est excitée. Ensuite, nous avons Peur. Il s’imagine assuré et suave, mais c’est un petit nerf à vif qui a tendance à flipper. Les autres personnages sont Colère, Tristesse (sa forme est inspirée de larmes), et Dégoût, qui snobe tout en gros. Et tout ce petit monde bosse dans ce que nous nous appelons le Quartier Général”.

Pixar Disney Inside Out

Cela a déclenché des rires, tout comme de nombreuses scènes présentes dans la projection de 10 minutes qui a suivi. Tout le monde était d’accord pour dire que le film avait le potentiel pour devenir, à l’instar du précédent film de Pete, Là-haut, un de nos films les plus originaux et touchants. Mais l’opinion générale semblait être qu’une des scènes clés, une dispute entre deux personnages sur le comment certains souvenirs s’estompent tandis que d’autres brillent éternellement de mille feux, était trop secondaire pour suffisamment accrocher le public aux idées profondes du film.

Assis vers le milieu de la table, Brad Bird s’est remué sur sa chaise. Brad a rejoint Pixar en 2000, après avoir écrit et réalisé Le Géant de fer pour les studios Warner Bros. Le premier film qu’il a réalisé pour nous était Les Indestructibles, sorti en 2004. Brad est un rebelle dans l’âme qui se bat contre le conformisme créatif sous toutes les coutures. Il n’était donc pas surprenant qu’il soit parmi les premiers à exprimer ses inquiétudes. “Je comprends que tu veuilles préserver une simplicité et que les gens puissent s’identifier”, dit-il à Pete, “mais je pense qu’il nous faut un élément auquel ton public pourra plus s’impliquer.”

Ce fut ensuite Andrew Stanton qui prit la parole. Andrew se plait à dire que les gens ont besoin d’avoir tort le plus vite possible. Lors d’une bataille, si tu te trouves face à deux collines et n’es pas sûr lequel attaquer, dit t-il, la bonne ligne de conduite est de te dépêcher de choisir. Si tu découvres qu’il s’agit de la mauvaise colline, fais demi-tour et attaque l’autre. Lui semblait suggérer que Pete et son équipe avaient pris d’assaut la mauvaise colline. “Je pense qu’il faut que tu passes plus de temps à plancher sur les règles qui gouvernent ton univers imaginaire”, dit-il.

Chaque film Pixar a ses propres règles que le spectateur doit accepter, comprendre, et prendre du plaisir à comprendre. Les voix des jouets dans les films Toy Story, par exemple, ne sont pas perceptibles à l’oreille humaine. Les rats dans Ratatouille marchent à quatre pattes, comme tous les animaux nuisibles, sauf Rémy, notre vedette, dont la posture verticale le distingue de ses congénères. Dans le film de Pete, l’une des règles, du moins à ce stade, était que les souvenirs (représentés par des boules en verre brillants) s’entreposaient dans le cerveau en traversant un labyrinthe de pistes jusqu’à atterrir dans des sortes d’archives. Lorsqu’ils étaient récupérés ou qu’on se rappelait d’eux, ils redescendaient un autre enchevêtrement de pistes, telles des boules de bowling qu’on renvoie aux joueurs sur la piste.

Pixar Disney Inside Out Logo

La construction mentale était élégante et efficace, mais Andrew suggéra qu’une autre règle se devait d’être éclaircie : le fait que les souvenirs et les émotions évoluent au fil du temps, à mesure que le cerveau vieillit. C’était à ce moment précis du film, dit Andrew, qu’il fallait instaurer des thématiques majeures. En entendant cela, je me suis rappelé que dans Toy Story 2, rajouter Siffli a permis d’instaurer l’idée que les jouets abîmés pouvaient être abandonnés, demeurer là, sans personne pour les aimer, sur l’étagère. Andrew sentait qu’une occasion similaire se présentait ici. “Pete, ce film raconte le fait que le changement est inévitable. Tout comme le fait de devenir adulte.”

Brad était alors lancé. “Beaucoup parmi nous dans cette pièce ne sont toujours pas adultes, et je dis ça d’une façon positive”, dit-il. “Le casse-tête, c’est de découvrir comment mûrir et devenir fiable tout en préservant son émerveillement d’enfant. Des gens sont venus me voir à maintes reprises, comme cela a dû arriver à de nombreuses personnes dans cette pièce, et m’ont dit, ‘Purée, j’aimerais être créatif comme vous. Ca doit être quelque chose que de savoir dessiner.’ Mais je crois que tout le monde commence avec la capacité à dessiner. Les enfants répondent instinctivement présents. Mais beaucoup parmi eux le désapprennent. Ou bien des gens leurs disent que c’est impossible ou difficilement applicable. Donc oui, les enfants doivent devenir adultes, mais peut-être qu’il existe une façon d’insinuer qu’ils feraient peut-être mieux de s’accrocher à certaines de leurs idées d’enfants.

“Pete, je veux qu’on t’applaudisse tous chaleureusement. C’est énormissime comme idée d’essayer de faire un film sur ça”, continua Brad, la voix pleine d’affection. “Je te l’ai déjà dit sur des films précédents, ‘Tu tentes un triple salto arrière sous un vent soufflant en tempête, et tu es furieux contre toi-même de ne pas réussir à négocier l’atterrissage. Mais genre, c’est déjà incroyable que tu sois en vie’. C’est pareil pour ce film. Donc un tonnerre d’applaudissements.” Tout le monde a applaudi. Puis Brad a ajouté, “Et tu vas souffrir”.

Pixar Disney Inside Out Artwork

Un des corollaires importants de la revendication selon laquelle la Brain Trust se doit d’être sincère est que les réalisateurs doivent être prêts à entendre la vérité ; la sincérité n’est valable que si la personne à qui elle est destinée est ouverte et disposée, si nécessaire, à laisser tomber des éléments qui ne fonctionnent pas. Jonas Rivera, qui a produit le film de Pete, tente de faciliter ce processus douloureux en compilant les points majeurs évoqués lors d’une session de la Brain Trust, condensant les nombreuses observations en un plat-à-emporter digeste. Une fois que la réunion s’était conclue, voilà ce qu’il a fait pour Pete, énumérant les parties qui paraissaient les plus problématiques, lui remettant en tête les scènes qui parlaient le plus à tout le monde. “Donc sur quoi on élargit ?” demanda Jonas. “Et qu’est-ce que tu adores ? Est-ce que ce que tu adorais dans le film diffère maintenant par rapport à quand nous avons commencé ?”

“La façon dont le film débute”, répondit Pete, “j’adore”.

Jonas fit un salut de la main. “D’accord, ce sera donc ça le film”, dit-il. “La façon dont on met en place l’histoire doit parfaitement s’accorder avec ça.”

“Je suis d’accord”, dit Pete. Ils étaient sur le départ.

Les sessions les plus productives de la Brain Trust explorent d’innombrables fils de pensées, de façon cumulative et non concurrentielle. Prenons WALL-E, appelé à ses débuts Trash Planet. Pendant longtemps, ce film finissait avec notre robot compacteur de déchets et ses yeux de merlan frit sauvant son droïde adoré, EVE de la destruction au fond d’une benne à ordures. Mais quelque chose dans cette fin n’a jamais semblé convenir. Nous avons eu des discussions incalculables à ce sujet. Ce qui prêtait à confusion, c’était que l’intrigue amoureuse semblait coller. Evidemment que WALL-E allait sauver EVE, il en était tombé amoureux au premier regard. Dans un sens, c’était justement cela qui n’allait pas. Et c’est Brad qui en a fait la remarque à Andrew au cours d’une réunion de la Brain Trust. “Tu as privé ton public du moment qu’ils attendaient”, dit-il, “le moment où EVE se débarrasse de toute sa programmation et fait tout pour sauver WALL-E. Donne-leur. Le public veut ça”. Dès que Brad a dit cela, c’était comme: Bing! Andrew est parti et a rédigé une toute nouvelle fin.

Pixar Disney WALL-E

Michael Arndt se rappelle que c’était Andrew, pendant ce temps là, qui avait apporté une observation écrite de la Brain Trust sur Toy Story 3 qui a foncièrement modifié la fin du second acte de ce film. À ce stade, Lotso, l’ours en peluche rose et chef mesquin des jouets de la garderie, est renversé suite à leur mutinerie. Mais la mutinerie n’était pas crédible, car l’élan derrière sonnait faux. “Dans cette ébauche”, Michael m’a expliqué, “j’ai fait faire à Woody un long discours héroïque sur la méchanceté de Lotso, et l’opinion de tout de monde à changé à son sujet. Mais au sein de la Brain Trust, Andrew a dit, ‘je n’y crois pas. Ces jouets ne sont pas idiots. Ils savent bien que Lotso n’est pas un type bien. Ils se sont simplement rangés de son côté parce que c’est lui le plus fort’”. Cela a déclenché une discussion acharnée, jusqu’à ce que Michael trouve une analogie : Si vous imaginez Lotso en Staline et les autres jouets en sujets apeurés, dans ce cas Big Baby, la poupée chauve à l’œil tombant qui agit comme l’homme de main de Lotso, représente l’armée de Staline. Une impasse commença à se profiler. “Si on retourne l’armée, on se débarrasse de Staline”, dit Michael. La question était donc : Qu’est-ce que Woody pourrait bien faire pour que les sympathies de Big Baby se retournent contre Lotso ? Voilà le problème auquel j’étais confronté.”

La solution, révélant que la duplicité de Lotso avait conduit Big Baby à être abandonné par sa jeune propriétaire, venait entièrement de Michael, mais il ne l’aurait jamais trouvé sans l’aide de la Brain Trust.

Pixar Disney Lotso Toy Story 3

Nul besoin de travailler chez Pixar pour fonder une Brain Trust. Toute personne créative peut enrôler les personnes qui, dans leur entourage, présentent le bon mélange d’intelligence, perspicacité et grâce. “Vous pouvez et devriez fonder votre propre groupe à solutions”, affirme Andrew, qui s’est fait un devoir de reproduire cela à plus petite échelle, indépendamment de la Brain Trust officielle, sur chacun de ses films. “Voici les qualifications requises : les personnes que vous choisirez doivent (a) vous faire réfléchir plus intelligemment et (b) avancer beaucoup de solutions en un court laps de temps. Je me fiche de savoir de qui il s’agit, du concierge, du stagiaire ou un de vos seconds les plus fidèles. S’ils peuvent vous aider dans cette tâche, ils doivent se trouver à cette table.”

Croyez-moi, vous ne voudriez pas être dans une entreprise où la sincérité s’entend davantage dans les couloirs que dans les salles où l’on planche sur des idées et des politiques essentielles. Le meilleur vaccin contre ce sort ? Aller à la recherche d’individus disposés à être francs envers vous, et lorsque vous les aurez trouvés, gardez-les à vos côtés.

Note : ce dossier n’est qu’une traduction d’un article du site FastCompany. Il n’a en rien été modifié mis à part les illustrations.